Bob Morane T084 Le talisman des Voïvodes by Vernes Henri

Auteur:Vernes, Henri [Vernes, Henri]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Aventure
Éditeur: Fleuve noir
Publié: 2012-04-26T12:08:25+00:00

CHAPITRE VII

Sous la pluie, en cette fin d’après-midi, le cirque l’Oiselet faisait penser, au centre du terrain vague où il avait dressé son chapiteau de toile verte, à un monstrueux scarabée assoupi dans la boue et sur les élytres duquel de rares lumières jetaient des reflets parasitaires, couleur de malachite.

On avait dépassé Jilhava à toute allure. Maintenant c’était Brno, terminus de cette course contre la montre que Bob Morane et Bill Ballantine avaient menée depuis Paris. Mais cette course, c’était l’ennemi qui la terminait pour eux.

La Mercedes s’était glissée entre les roulottés en cahotant parmi les ornières et en dérapant dans les flaques de boue. Finalement, elle s’immobilisa. Un des hommes masqués mit pied à terre, ouvrit la portière et jeta brutalement à l’adresse des prisonniers :

— Descendez !

À tâtons, ils obéirent et, aussitôt, ils comprirent qu’ils étaient arrivés à destination. Ils ne voyaient rien à cause des bandes Velpeau qui les aveuglaient toujours, mais l’odeur particulière qui rôdait dans l’air, surtout celle un peu écœurante régnant autour des cages aux fauves, les renseignait suffisamment.

Le chef des hommes de main avait à son tour mis pied à terre pour pénétrer dans une roulotte. Deux minutes plus tard, il en ressortait, accompagné d’un personnage à l’aspect extraordinaire. Il faisait plus de deux mètres de haut et sa maigreur accentuait encore ce gigantisme. On eût dit un énorme pantin qui avait perdu la plus grande partie de son rembourrage. L’ossature de son visage semblait presque à nu : seule une mince pellicule de peau jaunâtre la recouvrait. Au bout de deux bras interminables dont l’homme paraissait ne savoir que faire, pendaient des mains énormes, mal construites. Les longs doigts crochus faisaient immanquablement penser à des pattes d’araignées. L’individu marchait lentement, précautionneusement, un peu comme si chacun de ses pas lui coûtait, comme si, à chacun de ses pas également, il risquait de tomber en avant. Les épaules affaissées, la poitrine creuse, il allait tête baissée, attentif au moindre accident du sol. Parfois, il relevait le front et on pouvait voir alors ses yeux d’un gris-vert sous les paupières lourdes pareilles à du parchemin. Des yeux d’une froideur polaire.

Les habitants de Brno pouvaient contempler l’effigie de cet étrange personnage, découpée dans du triplex polychromé à l’entrée même du cirque. Un bref texte publicitaire l’accompagnait.

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